• Amélie Nothomb - Journal d'Hirondelle

     

    Un nouveau Amélie Nothomb, c'est comme une nouvelle friandise à la boulangerie : on la veut tout de suite, mais on ne sait pas si elle sera succulente ou d'un arôme artificiel si prononcé qu'on le recrachera.

     

    La couverture nous montre une Amélie stupéfaite, quasi inexpressive, comme le personnage de son roman, Urbain, qui se fait engager, du jour au lendemain comme tueur à gage, alors qu'il se retrouvait "sans sexe et sans emploi : beaucoup d'amputations pour un seul homme". Confronté à la mort, il n'en saisira qu'une dimension hédoniste, allant même jusqu'à la masturbation pour assouvir son désir funeste.

     

    On pourra employer tous les jeux de mots que l'on veut -les médias s'en sont donnés à coeur joie !-, du style "l'hirondelle ne prend pas son envol", "ça sent le réchauffé"...Il n'en reste pas moins que ce roman est magistral...

     

    Une certaine dimension anticipatrice anime cet ouvrage : l'assassinat récent d'Anna Politkovskaïa donne entièrement raison à Amélie, quand elle décrit le milieu des tueurs à gage comme simpliste "-c'est un cinéaste -voilà autre chose. Pourquoi liquider un cinéaste ? -le chef a pas aimé son film". On tue parce que la liberté n'existe plus. Et Amélie l'a bien compris. Elle décrit le monde contemporain comme amoral, immoral même. Où chacun exprime sa domination sur l'autre en jouissant de l'écraser.

     

    Comme à son habitude, les premières pages sont fabuleuses, nous faisant penser un instant à cosmétique de l'ennemi. "en vérité, on passe son temps à lutter contre la terreur du vivant. On s'invente des définitions pour y échapper : je m'appelle machin, je bosse chez chose, mon métier consiste à faire ci et ça".

     

    Amélie reste fidèle à elle-même : l'amour-répulsion-fascination est le fondement du roman. Mais l'architecture a changé. Sa vieille recette se trouve épicée d'un cynisme morbide, digne de son précédent livre Acide sulfurique.

     

    A l'année prochaine Amélie !

     

    Journal d'Hirondelle, A.Nothomb,Albin Michel, 144 pages, 14,50 E, 2006