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Dashiell Hammett – Moisson Rouge - 3
Alors, écrit en 1929 et toujours aussi solide aujourd’hui grâce à une nouvelle traduction ayant évacué tout l’argot du titi-parigot qu’avaient collé les éditeurs au roman noir dans les années 50 (lire le très intéressant article d’Evene à ce sujet), encensé même par Aragon d’après Le Figaro Littéraire (« Moisson Rouge a sa place dans les bibliothèques à côté des oeuvres de Hemingway et de Faulkner – et peut-être même sur le rayon d’au dessus comme le pensait Aragon », Sébastien Lapaque), Moisson Rouge restera probablement l’un des éternels paroxysmes du roman noir.
Noir par sa capacité à imposer le récit comme des faits incontestables, immédiats, dont la violence n’est que la logique et où la logique n’est que violence. Ce noir qui doucement, entre les lignes, révèle un rouge carmin. Une couleur qui couve précieusement le sang, la haine, non pas comme des trésors, mais comme des réalités à asséner tôt ou tard. Parce qu’il ne sert à rien de fermer les yeux. Alors du pic à glace à la corruption, de la drogue aux intérêts politiques, de la conscience politique à l’évacuation de toute morale, Dashiell Hammett transforme son détective en un hybride se situant entre l’Archange St Michel et Dick Tracy.
Un homme à la croisée des chemins, malin comme un Prince ayant lu Machiavel et s’investissant d’une mission comme l’on s’improvise sheriff dans un western. A celui qui se posera la question de comment redonner sens à un lieu déserté par la loi et l’ordre ?, le Continental Op répondra : se battre pour la morale sans en avoir aucune.