• Lecture de Crack de Tristan Jordis

     

    Lecture de Crack  de Tristan JordisTristan Jordis se présente au début de son roman (qu'on appellera ainsi pour faire simple) comme un jeune réalisateur à la recherche d'un sujet pas trop cher, humain et suffisamment spectaculaire pour intéresser quelques personnes. Il arrête son choix sur l'évocation du monde du crack dans l'Est de Paris. Que sont devenus les crackers historiques de Stalingrad ? Comment filmer des ombres ? Comment soumettre au traitement mensonger de la lumière cinématographique des gens que la société (sic) et accessoirement eux-mêmes ont décidé de plonger et de maintenir dans la semi-clandestinité jusqu'à liquidation des stocks ? C'est ainsi que le film deviendra finalement un livre.

     

    Crack  de Tristan Jordis : Chevalier blanc et littérature noire

     

    Jordis, il ne s'en cache pas, tente de lutter contre sa propension à voir le bien partout. Il ne peut s'empêcher de réhabiliter la mémoire des gens d'en dessous et en pince pour ses sujets. Heureusement pour nous, la réalité est plus forte que lui et l'amène assez vite à balancer son propos. Certains en veulent à son argent. D'autres lui posent des lapins. La violence surgit à bon escient pour rappeler qu'on n'est jamais ici en territoire marxiste mais bien dans un univers hobbesien primitif où les alliances ne sont tenues que par la puissance supposée des uns et des autres. L'écrivain s'introduit peu à peu dans la nuit du crack, de la prostitution consommatrice et des sales coups. Il rencontre des figures ambiguës, souvent séduisantes et fascinantes, mais presque toujours brisées ou prêtes à défaillir.

     

    L'odyssée du caillou devient passionnante au fur et à mesure que Jordis descend les étages. On passe de squat en squat. On file les fugitifs qui glissent comme des anguilles d'un point à un autre pour traquer la galette. Jordis décrypte l'économie des dealers, des putes et des macs. Il s'attarde sur les histoires d'amour et les instants de lumière, là où la nuit est la plus noire. Ses nuits deviennent plus belles que ses jours. Jordis ne cède pas à la tentation et ne se drogue pas. Il ne se fait pas dépouiller et quitte peu à peu son masque de touriste et de passager clandestin pour un déguisement de compagnon de route qui en dit long sur ses propres tourments.

     

    Si l'interrogation de la société réelle par le biais de la société des crackers ne fonctionne pas tout à fait dans le livre, Crack vaut surtout pour la qualité de l'enquête et l'abnégation de l'auteur. On se fout pas mal de ses réflexions : des faits, rien que des faits. Sa descente aux enfers est ce qui fait tout l'intérêt de ce livre : Jordis se trouve un, puis plusieurs guides et réussit à nous faire un tour du propriétaire aussi complet.

     

    à suivre

     

    Tristan Jordis, Crack, Seuil, août 2008.